dimanche 24 février 2008, par Nadine

Écrit en 1988, ce roman préfigure ce que sera Texaco. Le marqueur de parole entame son travail de mémoire avec ce livre. On lit cette histoire truculente partagé entre le rire et l’horreur de la violence.

Résumé :

Le roman raconte l’enquête policière menée après la mort du personnage Solibo Magnifique. Il n’est volontairement pas situé dans le temps bien que l’on puisse dire qu’il se passe après 1970. L’action se situe sur deux lieux, la Savane, lieu, pour moi, indéfini en bordure de la ville et le poste de police. Elle se passe en deux jours.

Solibo est un conteur. Ce qu’il est, ce qu’il représente dans la communauté Créole est en fait ce que nous fera découvrir le livre. Il meure subitement en plein discours. S’ensuivent des évènements tragiques.

Le roman commence par le procès-verbal de l’inspecteur principal, très factuel. Ensuite, le roman est très chronologique : Mort de Solibo devant son public pendant son discours ayant lieu un soir du carnaval. Attente et souvenirs des 14 témoins avant de se décider à chercher du secours. Arrivée du brigadier-chef sur les lieux (western) : premiers interrogatoires et tabassage de Doudou-Ménard. Arrivée de l’inspecteur principal, analyse plus scientifique et moins émotionnelle bien que.. Retour de Doudou-Ménard enragée qui se fait tuée par le brigadier-chef. Envoi de Doudou à la morgue mais impossible de soulever le cadavre de Solibo pour l’emmener à l’autopsie. Souvenirs des 13 témoins enfermés dans le car de police. Second interrogatoire des témoins (suspects) par l’inspecteur principal. Arrivée de la grue pour soulever Solibo qui tout à coup est si léger que tous les policiers jouent avec le corps. Envoi des suspects vers le poste pour un troisième interrogatoire avant torture de deux témoins dont un se suicide le lendemain matin. Echec de l’enquête puisque les retours des analyses scientifiques montrent qu’il n’y a pas eu crime. Alors l’inspecteur se pose la vrai question : qui était Solibo. Il se retrouve chez un sorcier pour avoir les réponses à ses questions.

Les personnages :

Les témoins : de petites gens, chômeur, marchande de sorbet, prostitué, djobeur, ouvrier agricole… Ils sont tous présenté avec leur nom, leur surnom, leur soi-disant métier (« en réalité sans profession ») et éventuellement leur adresse s’il en ont une. Sucette, le tambouyé qui accompagnait Solibo lors de ses discours Doudou-Ménar, femme matador qui va en mourir Ti-Cham qui essaie d’écrire la parole Congo, vieil africain qui va en mourir Sidonise, amoureuse de Solibo …

Philemon Bouaffesse : brigadier-chef. Personnage violent reniant sans y arriver une seconde son origine Créole. A des pouvoirs maléfiques, ses mains te mènent au cimetière depuis qu’il les a plongé dans un cercueil pendant toute une nuit.

Evariste Pilon : Inspecteur principal. A tourné le dos à la créolité. Se fait traduire ses propos par Bouaffesse lors des interrogatoires. Tout un paragraphe montre sa « dualité » (p118). Mais une phrase le rattache définitivement à ses origines : Pilon, ça ne viendrait pas d’un ancêtre ayant eu une jambe de bois suite à la morsure d’un chien alors qu’il essayait de marronner ?

Le rythme :

Douceur et chaleur humaine lors des souvenirs liés à Solibo. Violence imbécile et irraisonnée avec la police. Affrontement de deux mondes. Les deux arrivent à tour de rôle et jouent vraiment avec nos émotions. Chaque chapitre est introduit par une petite phrase à la mode du conteur. De temps en temps une phrase de Solibo sur les problèmes de Ti-Cham. Les émotions : D’abord la forme : C’est un conte truculent, on ne sait pas si on pleure de rire ou de tristesse. C’est annoncé par un tout petit dialogue en préambule : L’ethnographe -« Mais Papa, que faire dans une telle situation ? » « D’abord en rire. » Dit le conteur.

Un sentiment de solitude infinie de chacun des personnages. Réchauffés uniquement par les souvenirs de Solibo. « Il allumait ma vie ». La vie des femmes : au travail pendant que l’homme « vadrouille ». Pas de littérature sur l’amour (p66). L’histoire de Sidonise p 122 / 127. Existence légitime (p67) à m’expliquer. Tellement d’autres choses, le temps, le silence…

Le but :

Le conteur faisait partie de la vie de tous les jours. Sa disparition sans que personne s’en aperçoive est une perte irrécupérable. Il faisait le liant de la sauce créole. Cham essaie, avec tous les personnages, de le reconstituer mais ne donne qu’un souvenir. Il n’est pas conteur p 225. On sent l’impérative nécessité de se souvenir de la culture créole qui est en train de se perdre pour permettre sa continuité.